L'Homme, premier peuple de notre monde, a été créé par la déesse Dzar'Myrad, sous le regard des autres dieux du panthéon. Nous fûmes la fierté de notre mère, qui nous observa alors que nous nous épanouissions, pendant de nombreux millénaires.
Malheureusement, nous nous révélâmes être des créatures très influençables, dotées d'une avidité sans limites. Nous nous laissâmes influencer par les autres divinités, ce qui déclencha d'incessants conflits pour la gouvernance du monde des mortels. Certains dieux se régalèrent de ce qu'ils avaient engendré. D'autres regardèrent les peuples s'entre-déchirer sans pouvoir réagir, la loi d'Heral, Mère des Dieux, étant claire et soigneusement appliquée par Provenkal. Cette règle : ne jamais intervenir directement sur terre. La coercition étant interdite, seule l'influence indirecte pouvait être utilisée par les divinités pour rallier les hommes. Tous les dieux sous-estimèrent néanmoins notre race, de même que notre soif de gain et de pouvoir.
Une alliance de puissants, dont l'arrogance n'avait d'égale que leur cupidité, souhaita obtenir une force égale à celle des dieux. Étant de puissants mages et des guerriers hors pair, tous les membres de ce groupe disposaient de compétences spécifiques leur permettant de contribuer à La Cause. Certains parcoururent le monde à la recherche d'ingrédients particuliers, afin que les mages les utilisent pour créer de puissants artefacts. L'un d'entre eux, un objet connu simplement comme “La Sphère”, avait un pouvoir de dissimulation mystique qui donna la possibilité au groupe de se soustraire au regard des dieux et ainsi de se camoufler leur sombre dessein. Ils purent alors oeuvrer à leur cause, sans qu'un seul être divin ne puisse voir ce qui les attendait tous. Par la suite, l'Alliance développa plusieurs portails magiques qui furent cachés en différents endroits du monde. Leur utilité : ouvrir un chemin menant dans le domaine de chacune des divinités, pour qu'elles soient combattues une à une. Leur stratagème était parfait, son application… un peu moins.
Le premier portail fut ouvert, menant sur le Plan de Véléïroth, maître de la Guerre. L'Alliance voulait l'affronter en premier, croyant que sa puissance allait les aider à vaincre tous les autres. Ils se trompèrent sur toute la ligne. Les armées du Guerrier mirent à l'échec tous leurs plans et, bien que ceux-ci réussirent à se frayer un chemin jusqu'au Divin, ils se présentèrent devant lui affaiblis. C'est sans difficulté qu'ils furent vaincus.
Furieux, le Père créateur détermina que les autres humains devaient également payer le prix de leur avidité. Libérant le passage entre la terre et les royaumes divins, Rod'Aik permit aux dieux et à leurs armées d'envahir le monde. Tout fut ravagé, la civilisation humaine… détruite. Capturées et conduites devant Rod'Aik pour qu'elles soient jugées pour leurs crimes, les âmes des vénérables mages furent déchues et condamnées à une immortalité spectrale. Ils furent enfermés à l'endroit même où ils avaient osé créer des passages vers les royaumes célestes. Leur malédiction : gardez les portails pour l'éternité.
Les humains qui survécurent au déferlement des puissances divines furent une fois de plus châtiés, les femmes enfantèrent de nouvelles créatures humanoïdes, à l'image des pires aspects de leurs parents. Plus aucun homme ne vit le jour. Avec le temps, l'Humanité s'éteignit. Les nouvelles races naquirent dans un monde ravagé, où il ne restait que quelques vestiges d'une civilisation anéantie. Les Dieux avaient perdu foi envers les hommes… Et ceux-ci en avaient payé le prix. La Sphère fut également détruite, ses fragments répandus sur le monde. Et moi, dernier représentant de l'Humanité et archiviste de notre histoire, je fus condamné par les dieux à l'Immortalité et à continuer mon travail : garder à jamais les traces des actes des nouvelles races qui peuplent désormais le monde, celles du blasphème de l'humanité. Je suis et serai à jamais, le dernier…
Les armées divines ravageaient le monde. Tel un raz de marée, elles avançaient inexorablement, ne laissant que désolation dans leur sillage. On dit que l'ancienne Cité-État d'Akhara tomba en tout juste deux jours. La Citadelle d'Aramé, siège du gouvernement de l'Empire d'Ezmer, ne put encaisser que trois jours de siège avant de chuter à son tour.
Dans un camp comme dans l'autre, la gloire n'était pas au rendez-vous. Aux prises avec des dissensions internes, du fait de la multiplication des races non humaines, les peuplades mortelles n'arrivèrent pas à canaliser les ressources nécessaires à une véritable riposte. Les cités tombèrent les unes après les autres lors de ce génocide qui dura plus de deux décennies.
On dit qu'ensuite, même Véléiroth se lassa. En effet, le Dieu de la guerre valorisait la gloire de la bataille… Et nulle gloire n'était décelée dans ce massacre, où il n'existait aucune possibilité de défaite. Choisissant d'équilibrer le tout, le dieu retira donc ses troupes du champ de bataille. La guerre touchait toutefois à sa fin, l'Humanité n'était plus, et les survivants qui subsistaient avec peine étaient dispersés sur le continent. Frappé par la dissidence de son jeune frère, Provenkal éprouva à son tour quelques doutes. Les mortels avaient-ils été suffisamment punis ? Leurs cités avaient chuté, leurs enfants avaient été corrompus… Justice avait été faite.
D'un commun accord, les dieux choisirent donc de ramener leurs troupes au royaume céleste. Cela ne fut pas si simple, néanmoins… Enivrés par deux décennies de massacres, de nombreux soldats divins refusèrent de quitter la Terre. Certains déclarèrent qu'ils souhaitaient empêcher une riposte. D'autres annoncèrent servir la justice. Plusieurs n'eurent toutefois pas honte de leurs motivations : dans les royaumes célestes, ils n'étaient que des sous-fifres, soumis aux désirs des démons, anges et dieux. Sur Terre, ils avaient la chance d'être les puissants. S'ils soumettaient les races mortelles, ils seraient libres de construire une nouvelle civilisation, civilisation dont ils seraient les Dieux ! La tentation était bien trop forte…
Ce qui restait des légions divines s'attela donc à la tâche. Les armées se dispersèrent, tâchant d'occuper le territoire et de soumettre ce qui restait des peuples mortels.
Trois cent années s'écoulèrent. Les armées divines rebellent dévastèrent ce qui restait du monde, empêchant par le fait même les civilisations mortelles de se redresser. L'âge emporta les derniers humains, alors que leurs descendants se terraient, tâchant d'échapper à la vigilance de leurs ennemis.
Notre récit se poursuit dans le Val des Brumes, à l'intérieur de la Cité d'Ithiur. De mémoire d'homme, le Val a toujours été utilisé pour se protéger d'envahisseurs. Les tribus Tareq s'y étaient exilées pour mener leur insurrection contre les ezmeriens, les survivants des monarchies orientales y avaient élu domicile pour fuir l'expansion de l'Hégémonie Tellerite… Et désormais, une partie des survivants de l'Épinozia s'y retirait pour fuir la puissante armée divine. Le terrain y est accidenté… La cité bien fortifiée… Les montagnes environnantes incluant de nombreux abris… Si les mortels devaient survivre, c'est là qu'ils y arriveraient.
Les survivants se fortifièrent donc à l'intérieur des murs d'Ithiur et le siège débuta. Même avec des effectifs réduits, ce qui restait des armées divines représentait un danger colossal. Chose que réalisèrent assez rapidement les mortels, lorsque la grande porte céda sous les assauts incessants. Le fait que la légion coupait l'accès à la vallée complexifiait évidemment les choses. La nourriture se fit de plus en plus rare, les flèches commençaient à manquer. Pire, le Fléau, cette maladie créée par les dieux durant la guerre, se répandait à une vitesse folle, l'insalubrité qui était grande et la faiblesse généralisée des survivants mortels n'étaient pas là pour arranger. Sous la pression des rebelles divins, les murs cédèrent et la cité fut envahie, une partie de sa population fut massacrée. Seuls quelques survivants demeuraient, abrités dans la ville haute. C'est à Ithiur que perdurait l'héritage des hommes. S'agissait-il de la fin ?
Peut-être pas. Aux côtés des fatalistes et des désespérés, certains se tiennent debout. La survie de tous dépend d'eux, et ils le savent. À Ithiur débute un nouveau chapitre de l'Histoire de l'Humanité et de ses descendants. Ce chapitre sera peut-être triste, glorieux, beau ou laid. Ce sera aux derniers héros d'Ithiur de le déterminer…
Une rumeur court. Elle ne porte cependant pas sur le rassemblement d'argohynes, ayant formé une armée afin d'achever le travail des dieux. Tous savent en effet que les légions souhaitent éliminer les nouvelles races mortelles, afin de faire de la terre leur domaine.
Cette fameuse rumeur court sous forme de brides, de sous-entendus et de contradictions. Seules constantes : la mort et l'espoir. De nombreux survivants ont en effet entendu, de la bouche d'un vieillard ou d'un voyageur, qu'au sein des murs de la cité d'Ithiur, une résistance s'organisait. Alors que tous tombaient face aux légions argohytes, certains, dans cette ville d'Epinozia, trouvaient encore la force de combattre, opposant à leur bourreau un espoir issu d'un miracle.
Mus par cette rumeur, cette lumière au bout du tunnel, de nombreux survivants choisirent de prendre la route pour se diriger vers Ithiur. Là-bas, ils trouveront protection et espoir. Là-bas, la justice renaîtra et les mortels récupèreront ce qui est leur.
Cette rumeur est née lors des pires moments d'Ithiur.
Alors que le bélier argohynes frappe aux portes de la ville, que les flèches, les carreaux et les pierres volent de toutes parts, blessant et tuant autant d'argohynes que de citoyens. Tandis que le flot ennemi s'engouffre dans la brèche, tuant quiconque se trouve sur son chemin. À l'instant où le roi et ses chevaliers, dernier rempart de la ville, sont massacrés pour permettre aux quelques survivant et malades d'aller se réfugier dans le château Et enfin, au moment où un argohyne plante la tête du roi d'Ithiur sur une pique en guise de trophée…
Fou de rage, son fils, le prince d'Ithiur, se lance dans la mêlée. Il ne fait cependant pas long feu devant la force argohyne, s'effondrant rapidement sous leurs coups. Pourtant alors que sa tête va être tranchée, on voit son cadavre disparaître dans une explosion étincelante, laissant bouche bée celui qui espérait avoir acquis un trophée de choix. Le prince a été le premier à disparaître ainsi, mais bon nombre subissent rapidement le même phénomène.
Ceux qui avaient vu le prince tomber le voient également réapparaître, un moment plus tard. Il est le premier à revenir. Les autres sont de retour après quelques heures, certains quelques jours. Durant ces étranges disparitions et réapparitions, le siège se poursuit, l'armée concentrant ses efforts sur le reste de la ville, de manière à la nettoyer avant de s'en prendre aux derniers dissidents.
Le prince n'a pas soufflé mot de son expérience. Par contre, un Kobolt ayant lui aussi subi cet étrange phénomène s'est délié la langue. Il parla d'une rencontre avec un spectre, directement né des entrailles de Sökar. Ce spectre, il l'appelle simplement « le guide ». Le kobolt prétend que le guide a la charge de ramener ceux sur qui les dieux ont porté le regard. Alors que les élus tombaient, le guide les récupérait, leur expliquant leur rôle avant de leur redonner vie.
Ces élus ont été choisis pour de nombreux motifs. Certaines divinités font un choix mu par la pitié ou un désir de justice. D'autres, simplement pour le plaisir de voir la souffrance de leur élu perdurer… Dans tous les cas, néanmoins, le guide promet aux élus un avenir bien au-delà des rêves les plus grandioses du commun des mortels.
Au coeur du château d'Ithiur renaît donc lentement l'espoir, alors que les rangs des élus grandissent en les mettant égaux en force avec les argohynes.
Égaux en forces, mais pas en nombre.
Le guide recrute constamment, néanmoins. Il ne reste donc qu'à voir si ces élus seront suffisamment nombreux et dignes de l'honneur qui leur a été fait pour vaincre les légions argohynes, guérir la population d'Ithiur de la maladie qui l'afflige et rebâtir leur monde dévasté…